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L'Air Merveilleux
Théodore Valério
L’air merveilleux
Un conte du célèbre William Butler Yeats.O’Connor était le roi des ménétriers d’Irlande. Dans la province de Munster, il n’avait pas son pareil. Son répertoire comptait bien des airs, mais il en connaissait un qui était vraiment extraordinaire. Il était capable de faire danser les vivants…et les morts.
A la première note, les souliers vous tremblaient aux pieds comme si vous aviez la fièvre; vieux ou jeunes, personne n‘y résistait; on se mettait à danser, à danser comme des fous, tournant de tous côtés comme feuilles au vent, et cela tant que durait la musique.
Aussi O’Connor était-il de toutes les noces, avec sa cornemuse. Il s’y rendait, fidèlement accompagné partout de sa mère qui lui servait de guide, car le pauvre garçon était aveugle. Un beau jour, au village d’Iveragh, O’Connor avait déjà tant et tant fait danser la jeunesse que son gosier était aride comme un vieux parchemin.- Voulez-vous un verre ? lui proposa-t-on.
- Inutile, passez-moi la bouteille !
Et, empoignant la bouteille de whisky, il ne la rendit…que vide ! Et tout à coup, sans aucun avertissement, voilà que le ménétrier entame son air merveilleux. On aurait dit qu’un grand vent de folie soufflait sur la place du village. O’Connor lui-même ne pouvait rester tranquille: il se balançait d’une jambe sur l’autre comme une barque par grosse mer. Et même sa vieille mère faisait aller ses os en cadence comme toutes les femmes de l’assemblée.Mais cela n’était rien en comparaison de ce qu’il se passait sur le rivage. La grève était couverte de poissons de toutes sortes qui sautillaient, voletaient, sautaient, replongeaient et ressortaient, se démenant de plus en plus vite, suivant le rythme endiablé de la musique. D’énormes crabes tournaient en rond sur une seule patte en vrais acrobates. Des phoques gigantesques, dressés sur leurs pattes malhabiles, s’avançaient vers le rivage à la tête de troupes de poissons, homards, langoustes, tous décidés à danser. C’était un extraordinaire spectacle de les voir ainsi suivre la mesure: Toutes les créatures de la mer dansaient comme des folles, prises de frénésie; les bancs argentés des sardines arrivaient jusqu’au rivage. Les moules et les huîtres agitaient leurs coquilles en guise de castagnettes.
Jamais on n’avait vu pareil spectacle!Inlassable, O’Connor jouait toujours.
Mais voilà que, au milieu des poissons, apparut une jeune femme belle comme le jour. Elle avait une longue chevelure verte; ses dents luisaient comme des perles, ses lèvres semblaient de corail et sa robe était blanche comme l’écume de la mer. Du moins ce qu’elle en montrait sur le haut de son corps, car en-dessous, du bas de sa robe dépassait une queue de poisson.Elle s’approcha de O’Connor et lui chanta d’une voix mélodieuse:
- Je suis la dame de la mer et je demeure au fond des eaux. Viens avec moi et sois mon époux. Tu auras de la vaisselle d’or et d’argent, et tu règneras sur tous les animaux qui peuplent les mers.
O’Connor se tourna vers elle :
- Merci madame, mais boire de l’eau salée ne me va pas ! Car il aimait bien la bouteille qu’on lui offrait.
Alors, tout en dansant, la Dame de la Mer se prit à persuader le ménétrier. Autour d’eux, les gens dansaient et les poissons, tous les poissons de la mer, menaient aussi leur ronde.Bélinda Morris
Enfin, la sirène finit par convaincre O’Connor de l’accompagner au royaume marin. Sa mère lui cria bien de revenir quand elle le vit atteindre le bord de la mer en compagnie de la belle étrangère. Mais il ne l’écouta pas. Il continua d’avancer toujours. Et voilà qu’une vague haute comme une maison arriva sur lui, prête, aurait-on dit, à l’engloutir ; il n’y fit aucune attention. Sa mère se mit à pleurer, mais, malgré ses cris et ses pleurs, elle ne pouvait s’arrêter de danser. Enfin, son fils se tourna vers elle et lui dit :
- Je suis bien heureux ma mère ! Je vais devenir le Roi de la Mer, et je te promets de t’envoyer tous les ans un…
Mais il n’eut pas le temps d’achever…La dame aux cheveux verts, voyant une vague encore plus haute s’avancer, s’enveloppa avec le musicien dans un manteau d’écume à grand capuchon. La vague, dressée à une hauteur gigantesque au-dessus d’eux, retomba sur le rivage dans un fracas épouvantable.On ne revit plus jamais, jamais, le musicien, mais souvent, sur la côte de Kerry, par les nuits tranquilles, les mariniers entendent le bruit de la musique venant du fond de l’eau, et certains prétendent même reconnaître le son de la cornemuse d’O’Connor.
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Commentaires
Un conte bien plaisant à lire, j'avais eu le plaisir de lire un conte similaire, mais il s'agissait d'un joueur de flute et le déroulement était légèrement différent, j'aime bien cette version Irlandaise
Amicalement
Claude
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Mardi 3 Avril 2018 à 08:59
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Bonjour
un petit tour rapide pour saluer ce merveilleux conte, pas trop de temps mais juste je fais mon passage amical
je n'ai lu que le debut, je reviendrai plus tard
le conte a du inspiré le groupe ABBA, c'est ce qu'ils nous chantent dans "THE PIPER"
https://www.youtube.com/watch?v=FFrGTtZKA_I
il n'y a pas de clip video de la chanson, c'est un montage d'un fan
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Mardi 3 Avril 2018 à 10:58
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bonjour
tu en connait des légendes .....
et c'est toujours une découverte merci
car j en cherche toujours aussi
superbe illustrations la derniére images
trés bien choisie
je te souhaite une belle journée
kénavo tryskéle
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Mardi 3 Avril 2018 à 12:09
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enfin je suis revenu lire l'histoire en entier, cette fois
belle histoire bien romantique et qui finit bien pour le musicien
si on entend la musique en mer c'est lui qui fait danser sa femme et le monde aquatique
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Mardi 3 Avril 2018 à 17:44
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Bonjour
petit bonjour vite fait entre deux tournées de courses
sous de bonnes averses
c'est genial de chanter sous la pluie hi hi hi
je vais aller danser sur les parkings avec cet air merveilleux en tete,
un air qui me fera apprecier le shopping mieux et qui me plait eh eh eh
Auchan ce matin et l'ap midi ce sera Aldi ou Lidl
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Mercredi 4 Avril 2018 à 11:26
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Bonjour Triskèle, je suis restée sous le charme de ce conte, mais je suis peut-être trop matérialiste, on ne sait pas ce qu'il promet de ramener à sa mère tous les ans ? ... Merci pour la découverte, bonne fin de journée Triskèle.
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Jeudi 5 Avril 2018 à 18:23
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Bonjour lunatique
Joli conte , bien illustré , une façon comme une autre de se sevrer de l'alcool lol
Bisous bon après-midi
Talie
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Mercredi 11 Avril 2018 à 15:00
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Je ne connais pas vraiment Yeats et j'ignorais ce conte, mais j'aime bien les histoires de sirènes et de manière générale de ces femmes qui hantaient fleuves et mers, je dis hantais, car même si elles sont toujours là, plus personne ne les craint aujourd'hui. Merci Triskèle et bon dimanche à toi, bises
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Dimanche 15 Avril 2018 à 08:59
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On dit que les premiers navigateurs /explorateurs ont cru apercevoir des sirènes en voyant des lamantins.Ca n'a rien à voir je sais mais il fallait le signaler! Bonsoir Tryskèle.
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Mercredi 18 Avril 2018 à 09:50
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volodiaMercredi 18 Avril 2018 à 20:32
Il ne s'agissait pas de trouver une explication rationnelle mais ils ont été troublés par cet animal à la fois si maladroit et si attirant. Que ta préférence pour le rêve ne t'amène pas à des interprétations hâtives et injustifiées. Le trouble de ces marins, de ces explorateurs c'est aussi de la poésie!
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Belle journée à toi Annie :)
C'est vrai, je suis contente de l'avoir trouvée.
Merci Stéphanie, belle journée à toi aussi, bises.