• La Mandragore

    La mandragore

    Entre mythes et réalité.

    La mandragore est une plante mystérieuse rendue magique par de nombreuses légendes médiévales.

    Homoncule, herbe de Circé, plante des sorcières, la mandragore est depuis de nombreux siècles associée à la magie. En raison de la forme vaguement humaine de sa racine et de ses composés alcaloïdes psychotropes, la mandragore a été associée depuis l'antiquité à des croyances et des rituels magiques.

    La plante:

    Cousine de la belladone, la mandragore est une plante de la famille des solanacées (comme la pomme de terre), poussant sur les bordures méditerranéennes, dans un sol fertile. Sa racine fourchue est de couleur brune à l'extérieur et blanche à l'intérieur. Elle est pourvue de grosses feuilles vertes et donne naissance à des fruits rouges ou jaunes. Sa fleur est blanche, verdâtre ou violacée, selon la variété et dégage une forte odeur.

    Sa racine peut atteindre, après plusieurs années, des dimensions impressionnantes : jusqu'à 60 à 80 centimètres et peser plusieurs kilogrammes ! Elle s'enfonce profondément dans la terre, ce qui la rend difficile à arracher.
    Cette plante est riche en alcaloïdes aux propriétés hallucinogènes, narcotiques voire aphrodisiaques. Cela expliquerait les nombreuses légendes qui l’entourent et les vertus magiques qu’on lui a longtemps prêtées.

    Abondante au Moyen Age, elle s'est raréfiée de nos jours et il est difficile de s'en procurer ou d'en cultiver.

    Malgré ses bienfaits elle n'en reste pas moins une plante toxique qu'il faut utiliser avec modération et connaissance.

    Légendes à propos de la mandragore

    La mandragore a une forme particulière. Ses longues racines ont souvent fait penser, avec un peu d'imagination, à un embryon humain, d'où l'un de ses nombreux noms: homoncule qui signifie "petit homme planté". Avec cet aspect vaguement humain, plusieurs légendes ont pris naissance à l'époque médiévale autour de cette plante dite magique.

    D'après les écrits de l'époque, la mandragore se dote alors d'une réputation assez sombre voire macabre. En effet, il est dit qu'elle nait par la semence des pendus au pied des gibets au moment de leur mort. Mais aussi près des tombes de jeunes pucelles mortes d'un chagrin d'amour.

    La mandragore officinale est sans doute la plante qui a été le plus entourée de superstitions. On lui prêtait le pouvoir de faire naître l'amour, de guérir la stérilité ou de multiplier l'argent.
    En raison des effets hallucinogènes de cette plante, les chamanes et sorcières s'en enduisaient le corps pour entrer en transe.
    Cette plante était également utilisée par les guérisseuses pour faciliter les accouchements et soigner les morsures de vipère.

    Selon une croyance moyenâgeuse, le cri de la mandragore pouvait rendre fou ou tuer les personnes qui se risquaient à l'arracher de terre. La cueillette de cette plante était donc entourée de précautions et de rituels magiques que nous verrons plus loin.



    Vaguement anthropomorphe, donc, la Mandragore est supposée abriter un génie et est réputée posséder des vertus aphrodisiaques et divinatoires très importantes pour les sorcières qui en usent, dit-on, pour voler. D’anciennes gravures représentent la Mandragore sous forme humaine et il fut un temps où on la retrouvait autant dans les herbiers que dans les bestiaires. Bien qu’elle soit dans sa forme, mâle et femelle, dans les opérations dites «magiques», la Mandragore symbolise toujours l’élément mâle.

    Elle est très convoitée durant tout le Moyen Age et se vend à prix d'or, car on dit qu’elle apporte richesse et chance à son propriétaire. Elle était vendue très cher en raison du risque à la cueillette, et ce d'autant plus que la forme était humaine, de préférence sexuée par la présence de touffes judicieusement disposées.

    Jusqu'à la fin du siècle dernier, on a assuré en France que la Mandragore rendait le double de ce qu'elle avait reçu : deux louis pour un, deux écuelles de grain pour une.

    Elle peut aussi protéger la maison où elle vit; car la mandragore vit comme tout être peuplant cette terre, mais surtout grâce aux bons soins prodigués. Afin que cette plante magique offre tous ses bienfaits elle doit être choyée. Pour rendre une mandragore magique, on la plaçait pendant un mois dans la fosse d'un cimetière. Après quoi, on la faisait sécher au four et on l'enfermait dans un morceau de linceul : "Tant que l'on est en sa possession, affirmait le Grand Albert, on voit tous les jours augmenter sa chance".

     

    La mandragore dans l’histoire de la médecine:

    Une plante représentée sur le trône de Toutânkhamon pourrait être une mandragore (Hepper 1990) mais cette plante n'étant pas indigène en Égypte, il aurait fallu qu'elle y soit cultivée.

    Les médecins grecs prescrivaient la mandragore contre la mélancolie et la dépression. Hippocrate au Ve siècle av. J.-C. conseillait « Aux gens tristes, malades et qui veulent s'étrangler, faites prendre le matin en boisson la racine de mandragore à dose moindre qu'il n'en faudrait pour causer le délire ».

    Au rapport de son élève Xénophon, Socrate parle déjà des effets sédatifs de la plante ; Théophraste, élève d’Aristote, rapporte que la racine traite les maladies de peau et la goutte et que les feuilles sont efficaces pour soigner les blessures. Ses propriétés sédatives étaient connues puisqu’il dit qu’elle est bonne pour le sommeil. Théophraste signale aussi des propriétés aphrodisiaques. En recueillant la sève qui s'écoule de la fleur délicatement arrachée et en rajoutant quelques ingrédients secrets cela donne un puissant philtre d'amour très utilisé au Moyen Age.

    Les sorciers et alchimistes de l'époque ont d'ailleurs toujours dans leur repère un bocal rempli de racines de mandragore.

     

    Mandragores mâle et femelle. Manuscrit Dioscurides neapolitanus, Biblioteca Nazionale di Napoli, début du VIIe siècle.

    Au Ier siècle de notre ère, le médecin grec Dioscoride, en donne une description assez précise.

    « Il y a une espèce femelle, noire qui est appelée tridakias, qui a des feuilles plus étroites et plus petites que la laitue, d'une odeur puante et forte, étendues sur le sol, ainsi que des « pommes » semblables à celles du sorbier, jaune pâle, d'une bonne odeur, dans lesquelles il y a une graine semblable à celle de la poire. Les feuilles de l'espèce mâle et blanche, que certains appellent morion, sont claires, grandes, larges et lisses comme celles de la bette. Ses pommes sont deux fois plus grosses, de couleur safran, dégagent une odeur agréable relativement forte. Les bergers en mangent et s'endorment pour un certain temps. Sa racine est semblable à la précédente, mais plus grande et plus blanche. Elle n'a pas de tige non plus… ».

    Pline l'Ancien, naturaliste romain, en donne une description très proche à la même époque.

    Pline nous signale aussi des indications proches de celles de Dioscoride. L'usage comme narcotique et analgésique revient toujours :

    « On conserve les feuilles dans la saumure, et elles ont plus d'effet sinon le suc des plantes fraîches est un dangereux poison ; et encore, ainsi conservées, leurs propriétés nocives portent à la tête, même par la simple odeur… L'effet soporifique varie avec les forces du sujet ; la dose moyenne est d'un cyathe. On la fait boire aussi contre les morsures de serpents et avant les incisions et les piqûres pour insensibiliser ».

    Dioscoride énumère de nombreuses maladies où la mandragore est d'un grand secours. La racine préparée avec du vinaigre guérit les inflammations de la peau, avec du miel ou de l'huile, elle est bonne contre les piqures de serpent, avec de l'eau, elle traite les écrouelles et les abcès. Le jus fait venir les menstrues et précipite l'accouchement. Prudemment, Dioscoride met en garde contre la toxicité de la plante « Toutefois, il faut se garder d'en boire trop, car il [le jus] ferait mourir la personne ».

    Elle agit aussi sur la fécondité. Nicolas Machiavel a d'ailleurs écrit en 1520 une pièce de théâtre (une farce burlesque) portant le nom de mandragore. Elle met en scène le pouvoir immense de cette plante contre la stérilité.

    Cependant, bien heureux est celui qui arrive à s'emparer d'une mandragore car la cueillir demande d'user de nombreuses ruses. En effet, cette plante mystérieuse pousse un cri épouvantable lorsqu'elle est arrachée tant ses souffrances sont insoutenables. Ce hurlement désespéré tue sur place l'inconscient qui a alors essayé de se l'approprier.

    Arrachage d'une mandragore. Manuscrit Tacuinum Sanitatis, Bibliothèque nationale de Vienne, v. 1390.

    Pour parer à ce problème plusieurs stratégies sont conseillées:

    «Pour la trouver, il faut attendre une nuit de pleine lune, car la mandragore illumine la noirceur de la nuit. Il faut se rendre au pied d'un gibet les pieds nus. Trois cercles sont à tracer dans la terre à l'aide d'une épée, le tout accompagné de paroles sacramentelles. A ce moment là il faut faire appel à un chien, affamé ou bien docile, et l'attacher au pied de la plante. Il est conseillé de se boucher les oreilles avec de la cire et de se reculer de quelques pas. Il suffit de siffler le chien ou de l'appâter avec un morceau de viande afin que celui en courant arrache la racine. Il est bien évident que le pauvre animal meurt alors sous le cri affreux de la mandragore. Le tour est joué et la plante est prête à être ramassée sans risque.» (Herbarius Apulei, 1481).

    Le Quellec fait remonter l'ancienneté de cette tradition au début du VIe siècle. En l'an 520, le manuscrit de Dioscoride de Vienne est illustré par deux miniatures sur lesquelles on voit une racine de mandragore attachée au cou d'un chien mort, gueule béante.

    Les précautions lors de la cueillette sont aussi énoncées dans les écrits de Paracelse (1493-1541). D'après lui, la mandragore qui était une racine à-demi humaine, restait soumise à celui qui lui donnait de l'âme en la déterrant.

    A son sujet, Pline le jeune écrivait que "ceux qui cueillent la Mandragore prennent garde à ne pas avoir le vent en face ; il faut qu' ils décrivent trois cercles autour d'elle avec une épée, puis qu' ils l'enlèvent de terre en se tournant du côté du couchant. La racine de cette plante broyée avec de l'huile rosat et du vin, guérit les inflammations et les douleurs des yeux".

    Théophraste nous indique que lors de la cueillette il faut:

    « tracer autour de la mandragore trois cercles avec une épée, couper en regardant vers le levant, danser autour de l'autre et dire le plus grand nombre possible de paroles grivoises » (H.P. IX, 8, 8).

    Les magiciens pensaient qu'il existait des relations intimes entre les différents objets et les différent êtres vivants. Pour eux, les plantes sont des êtres animés doués d'une âme car étroitement soumises à l'action de divinités ou de forces astrales. Comme les médecins, ils désiraient soigner les malades mais ils avaient une toute autre conception de la maladie. Comme le dit Guy Ducourthial « Ils considèrent qu'elle n'a pas de cause naturelle, mais qu'elle est envoyée aux humains par des divinités pour les punir de leurs fautes. Pour guérir les individus malades, ils prétendent pouvoir contraindre ces divinités à détourner l'influence néfaste qu'elles exercent sur eux, mais aussi « maîtriser » un certain nombre de plantes qu'ils ont sélectionnées, c'est-à-dire les soumettre à leurs injonctions et les obliger à abandonner leurs propriétés pour qu'ils puissent en disposer à leur gré. Pour atteindre leur but, ils doivent accomplir un certain nombre de gestes précis et souvent mystérieux, prononcer incantations et formules secrètes et réciter des prières particulières, notamment lors de la récolte des plantes qu'il faut effectuer à des moments particuliers ».

    Ainsi le cercle tracé autour de la plante crée un espace magiquement clos, enfermant la plante et permettant au magicien de s'en rendre maître.

    Selon les divers écrits décrivant les rituels, on sait qu'ils se déroulaient les nuits de pleine lune.

    On trouve aussi parfois la mandragore et la jusquiame dans la composition d'onguents utilisés par les sorcières. Une croyance très répandue aux XVIe et XVIIe siècles, voulait que les sorcières s'enduisent le corps d'un onguent avant de s'envoler dans les airs pour aller au sabbat. Elles s'y rendaient à cheval sur un balai ou une fourche, enduits eux aussi d'onguent.

    La mandragore est aussi utilisée dans certains rituels du culte vaudou.

    Bien que ces croyances populaires nous fassent rire aujourd'hui, la mandragore n'en reste pas moins une plante mystérieuse qui est encore utilisée dans certaines contrées.

    Au Moyen Age elle est la plante la plus dangereuse mais aussi la plus convoitée.

    On donne aussi parfois à la Mandragore le nom de « main du Diable » ou de «main de Gloire», mais ceci est une autre histoire.

     

     

    Sources: Wikipédia - https://scribium.com/leslie-bello/a/la-mandragore-une-legende-du-moyen-age/

    http://www.gralon.net/articles/maison-et-jardin/jardin/article-la-mandragore---une-plante-entouree-de-magie-5505.htm

     

     

     

     

    « Le sirop d’érableArachné »

  • Commentaires

    1
    Lundi 29 Août 2016 à 10:41

    Un bel article bien documente et illustré.

    Plante mythique.

     Bonne semaine

      • Lundi 29 Août 2016 à 10:51

        Waouh! Tu tires plus vite que ton ombre Baba Luke! smile Merci d'être mon premier lecteur.

        Passe une belle semaine toi aussi merci, bises.

    2
    Lundi 29 Août 2016 à 10:57

    son  nom seul fait naître des images, des légendes historiques ou des histoires légendaires ... 

      • Lundi 29 Août 2016 à 11:19

        C'est vrai, la mandragore est le symbole même de la plante sorcière, aucune n'est plus magique.

        Je te souhaite une très belle semaine mon cher Peache, bises.

    3
    Lundi 29 Août 2016 à 11:18
    bonjour cette plante m à toujours beaucoup intriguée merci pour cet article bien documenté bonne journée pour toi kenavo triskéle
      • Lundi 29 Août 2016 à 11:22

        Voilà une plante qui manque dans ton jardin Monica! A prévoir donc! smile

        Belle semaine à toi aussi, merci, kenavo Monica.

    4
    Samedi 3 Septembre 2016 à 21:59

    Bonsoir Triskele,

    très impressionnant comme sujet, très bien documenté !

    je connaissais un peu , mais tellement peu à coté de tes recherches !

    comme toujours un très bon travail, soigné , parfaitement documenté !

    bravo à toi Triskèle

    bien amicalement

    claude smile

     

      • Dimanche 4 Septembre 2016 à 08:18

        Bonjour Claude, et un grand merci pour ce si gentil commentaire.

        Je te souhaite un beau dimanche ensoleillé, amitiés.

    5
    Lundi 5 Septembre 2016 à 22:22

    J'ai toujours cru que cette plante n'existait pas vraiment. Que d'histoires passionantes à propos de cette plante! Merci à toi encore une fois pour cet article si intéressant!

      • Mardi 6 Septembre 2016 à 08:17

        Si si, elle existe bel et bien!

        Merci de ta visite Volodia, bises.

    6
    Chantal Angèle T
    Mardi 6 Septembre 2016 à 18:04

    Bonjour Annie, j'ai lu ton travail sur la mandragore avec beaucoup d'intérêt, je savais peu de choses sur ce sujet mais cette mandragore m'intriguait et ma curiosité a été satisfaite grâce à toi. cool

    Merci beaucoup Annie pour ce fantastique travail, ton blog est fabuleux. yes Amitié et grosses bises Annie smile

      • Mardi 6 Septembre 2016 à 18:36

        Bonjour Chantal Angèle, ça me fait très plaisir de te voir ici. Je suis contente si j'ai pu t'apprendre quelque petite chose, et je te remercie beaucoup pour ta gentillesse.

        Passe une très belle soirée, je t'embrasse bien amicalement.

    7
    Mercredi 7 Septembre 2016 à 21:34

    Bonsoir Triskèle 

    Ton article est vraiment très intéressant et très bien documenté , j'avoue que les racines de la mandragore me font un peu froid dans le dos ...

    Bonne soirée

    Amicalement

    Nicole 

      • Jeudi 8 Septembre 2016 à 07:49

        Plante mythique, plante sorcière!

        Merci de ta visite Nicole, à bientôt, bises et bonne journée.

    8
    ECNI
    Jeudi 8 Septembre 2016 à 11:24

    Wahouuuu ! TRISKELE !!!

    Là tu as fait fort en texte et en images ... yes

    Ta publication est passionnante  .

     

      • Jeudi 8 Septembre 2016 à 11:52

        smile Merci mon Prince! Passe une bonne journée, bises.

    9
    Mercredi 21 Septembre 2016 à 12:38

    Jamais vu de mandragores, j'ignorais même qu'elle existait vraiment ... Merci pour ton article, bien documenté comme d'hab'. Bises Triskèle et à bientôt sur ton autre blog wink2 

      • Mercredi 21 Septembre 2016 à 12:50

        Chère Béa je suis contente de te revoir dans ma grotte, tu m'as manqué.
        C'est avec grand plaisir que je t'accueillerai à mon autre adresse, à bientôt donc, bises.

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :