• Le Ciel des Giziga


    Le Ciel des Giziga


    (Légende du Cameroun)


    Le peuple des Giziga vit dans l'extrême nord du Cameroun, et les colonisateurs les ont d'abord
    appelés les « Kirdi », les païens, terme péjoratif dérivé de « Kurdes », appellation utilisée par les Peul musulmans méprisant leurs voisins animistes.

    Ces « païens » ont un dieu, un seul, et c'est le ciel.
    Jadis le ciel vivait parmi les hommes, dont il était si proche que les humains ne pouvaient marcher que le dos courbé.
    Cela n'avait pas que des désavantages. Pour se nourrir, il suffisait de tendre la main, d'arracher un morceau du dieu ciel et de le manger. Très facile, cette pratique était universellement utilisée par les Giziga des origines.
    Jusqu'au jour où une fille de chef s'en mêla. Au lieu de regarder le ciel et d'en arracher des morceaux pour s'alimenter, elle baissa les yeux et vit, sur la terre, des graines.

    C'était le genre de fille mukuwan, un mot qui signifie « la méchante qui fait tout à l'envers ».
    Elle commença par se faire un mortier et un pilon pour écraser les graines. Seulement voilà, il fallait se mettre à genoux et, chaque fois qu'elle levait son pilon, il cognait contre le ciel et contre Dieu.

    La mukuwan, qui ne manquait pas de toupet, dit au ciel : « Dis donc, ciel, est-ce que tu pourrais
    t'éloigner un peu ? »
    Le ciel s'éloigna un peu et la jeune fille se redressa. Elle put se tenir debout et continua à piler ses graines. Mais, comme elle était debout, le pilon cognait toujours contre le ciel.
    « Encore un peu plus loin, s'il te plaît ! » demanda la mukuwan.
    Le ciel obtempéra.
    Alors cette méchante fille qui faisait tout à l'envers lança son pilon en l'air contre le ciel, en lui demandant de reculer.

    Outragé, le ciel partit très loin.
    Depuis ce temps-là, les humains marchent, se tiennent debout sur leurs deux pieds, et ne peuvent plus se nourrir de morceaux du ciel. Ils doivent cultiver le mil, et c'est dur.

    Et le ciel ne vient plus jamais comme autrefois, lorsque, tous les soirs, il réglait leurs palabres.
    Résultat : les humains sont seuls avec leurs palabres, et c'est la guerre.

     

    Extrait du livre: Dictionnaire amoureux des Dieux et des Déesses, de Catherine Clément.

    « Le Saule du SamouraïSémiramis »

  • Commentaires

    1
    Mardi 12 Août 2014 à 15:44

    Très joli conte Africain que tu nous contes là. 

    Dommage que la bêtise des hommes nous emmène toujours un peu plus loin vers un monde fait de violences et de peurs.

     Tu as un formidable "réservoir" de mythes et légendes à découvrir. C'est un plaisir de te lire.

    Bonne fin d'après midi.

    Amitiés 

    2
    Mardi 12 Août 2014 à 16:04

    Je suis de ton avis Bagan, hommes = agressivité = violence = malentendus = incompréhensions = guerres! Mettons nos espoirs dans les femmes.

    Oui les légendes et mythologies sont inépuisables, j'essaie de faire un peu le tour du monde. smile
    Merci de ton commentaire, à bientôt, amitiés.

    3
    Mercredi 13 Août 2014 à 01:48

    Comme beaucoup de gens sensés ( en toute modestie, bien entendu,) je fais confiance aux femmes pour l'avenir du Monde. Néanmoins, et esprit critique en plus, et là, je sens que je vais me faire traite d'immonde macho mais, ôte-moi d'un doute, Ô géniale conteuse: depuis Eve et sa pomme, en passant par Salomé, Dalila, et cette demoiselle mukuwan sans nom, il y a beaucoup de femmes dans l'histoire des malheurs du monde, non ? Bon, d'accord, il en fut aussi qui furent lumineuses ( Jeanne d'Arc, Olympe de Gouge, Simone Veil, Françoise Giroud  et toi qui l'ont illuminé, mais hein?....

    4
    Mercredi 13 Août 2014 à 07:34

    Bonjour Peache, tout d'abord merci pour la petite fleur que tu m'offres c'est gentil smile.

    Evidemment que les femmes ne sont pas parfaites, il y a des garces, des traitresses, des méchantes etc.  mais les femmes n'ont pas dans leurs gènes ni dans leurs hormones cette agressivité et ce besoin de conquêtes typiquement mâles à l'origine des guerres, ce qui fait que le matriarcat, âge d'or de l'humanité, a été supplanté par le patriarcat.
    Ensuite il ne faut pas mettre tous les malheurs du monde sur le dos de cette pauvre Eve, elle a simplement fait preuve de curiosité intellectuelle, elle voulait comprendre et non pas se laisser vivre béatement comme le faisait Adam. Ce qui ressemble à cette petite "méchante qui faisait tout à l'envers". Elle a fait comme Eve, elle a voulu expérimenter, faire preuve d'initiative,  et son dieu les a abandonnés en les laissant se débrouiller seuls comme l'a fait le dieu d'Eve, ce qui est la rançon de la liberté ne crois-tu pas? Et c'était le début de l'évolution.

    Merci beaucoup de ton commentaire Peache, je te souhaite une belle journée, amitiés.

     

    5
    Mercredi 13 Août 2014 à 13:46

    si je te comprends bien, les responsables sont les dieux ? et l'évolution est le fait des femmes ? pourquoi, pas, après tout, puisque, comme Aragon l'a bien mieux dit,  la femme est l'avenir de l'homme ....

    6
    monica breiz
    Mercredi 13 Août 2014 à 20:21
    monica breiz
    J aime beaucoup les contes Africains
    ils remontent de la nuit des temps
    et en Afrique profonde il y avait bien des sages
    qui écoutaient bien la nature et fzisait corps avec elle

    kénavo Triskéle
    7
    Mercredi 13 Août 2014 à 20:49

    Tu as raison Monica, et il y a encore dans les tribus de vieux chamanes plein de sagesse qui sont écoutés et respectés par les jeunes générations.
    Merci de ta visite, je te souhaite une douce soirée, kenavo Monica.

    8
    Jeudi 14 Août 2014 à 09:28

    Bonjour Triskèle !

    Tu vois , ce n'est surement pas le fondement de cette légende, mais j'y vois le thème de la crise d'adolescence ...tu me diras, l'humanité en est-elle elle même sortie...

    Oui en vacance et beaucoup de choses à faire comme tu a vu mais pour le moment repos quelques jours !

    A bientôt !

    Amitiés !

    Stéphane cool

    9
    Jeudi 14 Août 2014 à 09:39

    Crise d'adolescence, oui pourquoi pas, velléités d'indépendance en tout cas.
    Oui repose toi un peu avant de partir pour ton long périple, bonnes vacances Stéphane, bises.

    10
    Jeudi 14 Août 2014 à 10:35

    Excellent !

    Je viens de lire mon conte journalier, avec toujours autant de plaisir !

    11
    Jeudi 14 Août 2014 à 10:52

    C'est gentil Coyote, tout comme moi je vais prendre un peu de bonne humeur chaque jour chez toi en regardant tes photos. A demain alors smile, bises.

    12
    Vendredi 15 Août 2014 à 07:06

    Bonjour Triskèle et merci de nous faire connaître ces légendes et récits mythiques.

    Ce que j'entends dire dans cette légende c'est aussi ce qui se dit dans la bible : "tout allait bien, vivre était facile (paradis terrestre) et voilà que la femme est à l'origine de nouvelles conditions qui sont jugées beaucoup moins bonnes. "Résultat : les humains sont seuls avec leurs palabres, et c'est la guerre."

    La guerre ça nous connaissons, les palabres aussi, et c'est là que cette légende me semble apporter une piste intéressante : quel est ce troisième (ici le ciel) , quelle est cette connexion que nous aurions perdue ?

    Belle journée à toi.

     

    13
    Vendredi 15 Août 2014 à 08:10

    Bonjour Des Mots, cette légende donne beaucoup à réfléchir on dirait? Tant mieux, c'est fait pour ça.

    En effet dans beaucoup de légendes la femme est "une empêcheuse de tourner en rond" parce qu'elle ne se contente pas de ce qui est, elle veut comprendre, elle veut savoir, elle veut agir par elle-même. Faut-il l'en blâmer ou l'admirer? Faut-il mieux avoir des chaînes fussent-elles dorées que d'expérimenter la liberté avec tous les inconvénients qu'elle peut apporter?
    Chacun est libre de décider. Quant à savoir qui est le grand Ordonnateur qui s'est vexé de cette prise d'indépendance, à chacun son interprétation également, mais je ne pense pas que la connexion soit perdue, elle est simplement un peu plus difficile à établir, le cordon est en pointillé mais pas coupé.

    Merci de ton commentaire qui me fait plaisir Des Mots, je te souhaite une belle journée, amitiés.

    14
    Dimanche 17 Août 2014 à 14:33

    Moi je trouve qu'il est très important que les femmes prennent une place de plus en plus importante dans la société des lors qu'elles ne se mettent pas à agir aussi stupidement que beaucoup d'hommes. Amitiés Volodia.

    15
    Dimanche 17 Août 2014 à 15:36

    Tous les messieurs qui passent sur mon blog sont des hommes formidables! smile
    Merci Volodia, bises amicales.

    16
    Mercredi 20 Août 2014 à 11:51

    J'ai aimé cette légende mais aussi lire les commentaires  ... wink2 Bises de Béa

    17
    Mercredi 20 Août 2014 à 12:44

    Tu as vu comme ils sont bien mes commentateurs, et trices. J'ai beaucoup aimé leurs réflexions aussi.

    Merci Béa, ton retour me fait un grand plaisir, grosses bises.

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    18
    Jeudi 21 Août 2014 à 08:52

    J'ai adoré ce conte... prenez-en de la graine wink2 blagues à part, je trouve lamentable que l'on discute encore de la place de la femme dans la société comme on parlerait d'un animal qui a le droit ou pas de mettre son museau dans une maison... 

    En tout cas merci à Toi d'avoir mis le doigt dessus via ce beau conte !

    Je te souhaite une belle journée Triskèle,

    Amitiés

    19
    Jeudi 21 Août 2014 à 09:38

    Tu as raison Joëlle, et ça montre bien que le problème existe. Mais les hommes ne sont pas seuls en cause, bien des femmes n'osent pas encore prendre des initiatives, surtout dans certaines civilisations ou ethnies dans lesquelles depuis toujours les femmes ont été dépendantes de l'homme, et ceci s'est inscrit dans l'inconscient collectif. Le père ou le mari représente la toute puissance, c'est lui qui nourrit, ordonne et décide, il a tous les droits, il est maître après Dieu.

    Il est difficile pour certaines de passer par dessus cette tradition séculaire, il y faut du courage, ne pas avoir peur de la liberté, gagner son pain soi-même, prendre ses responsabilités, ses décisions, devoir se débrouiller seule sans se mettre sous la coupe d'un mâle. Oh que c'est difficile et insurmontable pour les plus faibles dont la mère, la grand-mère et au-delà lui ont appris que c'était comme ça depuis toujours et que ça ne pouvait pas changer.
    Mais il faut reconnaître aussi que certaines femmes se complaisent dans cette dépendance hélas.

    A elles aussi d'éduquer leurs filles et surtout leurs fils dans le respect de l'individualité de chacun et chacune; je crois que l'égalité des sexes passe d'abord par l'éducation que les parents donnent à leurs enfants.

    Merci de ton passage, à vrai dire je n'imaginais pas que ce petit conte puisse générer autant d'intéressants commentaires, belle journée Joëlle, amitiés.

     

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