• La Vouivre

    La Vouivre

    De toutes les créatures qui hantent le Jura, la Vouivre en est sans conteste la reine. Depuis la nuit des temps, la Wivre comme la nommaient déjà les celtes, sillonne notre ciel. Elle a été retenue par tous les auteurs de recueils de contes et légendes; elle n’a cessé d’inspirer les romanciers, les poètes et les artistes.
     
    Ses origines
    Il est une interprétation qui ferait remonter la légende de la Vouivre à une croyance celtique. les Celtes croyaient que les serpents, au moment du frai, fabriquaient un œuf qui possédait un pouvoir magique et servait de talisman à celui qui avait eu la chance de s’en emparer sans succomber sous les morsures.
    Vouivre est le nom gaulois du serpent, bien qu’on le dise issu du latin: vipera, la vipère.
    La Vouivre, trop de témoins l'on vue, trop de personnes l'ont étudiée pour que nous osions en nier l'existence.
    La vouivre est une figure comtoise, sans doute un des souvenirs les plus importants qu'ait laissé en France la tradition celtique. Elle est la survivante de ces divinités des sources qu'adoraient les gaulois et qui se comptaient par milliers, elle a transporté à travers les âges, l'une des croyances les plus populaires de la Gaule antique. Cette croyance fort répandue à son époque, où la conquête romaine était toute récente, Pline l'Ancien la rapporte en ces termes :
    "En outre, il est une espèce d'oeuf en grand renom dans les Gaules et dont les Grecs n'ont pas parlé. En été, des myriades de serpents se rassemblent et s'enlacent collés les uns aux autres par leur bave et par l'écume qui transpire de leur corps, ils façonnent une boule appelée oeuf de serpent. Les druides disent que cet oeuf est soutenu en l'air par les sifflements des reptiles et qu'il faut le recevoir dans un manteau avant qu'il ait touché terre. En outre le ravisseur doit s'enfuit à cheval car les serpents le poursuivent jusqu'à ce qu'il ait mis une rivière entre eux et lui. Cet oeuf est reconnaissable à ce qu'il flotte sur l'eau même attaché à un morceau d'or ...J'ai vu moi-même un de ces oeufs, qui était de la grosseur d'une pomme moyenne ..."

     Quant à savoir, enfin, pourquoi la légende de la Vouivre s’était localisée surtout dans le Jura, le problème reste entier. A-t-elle mieux résisté qu’ailleurs à cause de l’isolement des populations de la “montagne”, touchées plus tardivement par le monde moderne ? Le paysage jurassien en particulier, avec ses reculées et ses murailles calcaires, ses éboulis rocheux et ses gouffres, ses résurgences, ses cours d’eau aux rives verdoyantes, ses sombres et humides forêts, s’est-il mieux prêté que d’autres à la fixation de la légende ? On ne sait trop.

    C’est Désiré Monnier qui, en 1818, dans son Essai sur l’origine de la Séquanie, mentionne semble-t-il pour la première fois la croyance populaire en la Vouivre. qu’il avait été amené à connaître. Il présente la Vouivre sous sa forme la plus pure : serpent ailé, elle traverse la nuit comme un trait de feu et porte au front une escarboucle qu’elle dépose sur la rive quand elle va boire ou se baigner ; celui qui pourrait alors s’emparer du joyau serait à jamais riche et heureux.

    Animal fantastique et légendaire , la Vouivre est insaisissable, aussi changeante dans sa forme et dans ses mœurs que l’inconscient des peuples et l’imagination des conteurs sans lesquels elle n’a pas d’existence. On peut cependant retenir quelques traits caractéristiques, permanents, qui forment comme le noyau de la légende.

    Description
    La Vouivre, conformément à l’étymologie du mot, est un serpent. Sa taille est variable: de quelques dizaines de centimètres à plusieurs mètres de longueur. Rarement pourvue de pattes, elle possède toujours deux grandes ailes de chauve-souris qui lui permettent de voler. Mais ce qui la caractérise surtout, c’est qu’elle porte au front, soit dans une cavité du crâne, soit à l’extrémité d’une sorte d’antenne griffue, une énorme pierre précieuse d’une valeur inestimable, le plus souvent un rubis, appelé “escarboucle”, parfois un diamant, et d’un éclat tel que lorsque la Vouivre vole, la nuit, elle laisse derrière elle comme une traînée de feu. Elle dépose cette escarboucle sur la rive, qu’elle cache dans la mousse, une touffe d’herbe, ou sous une pierre, avant de boire ou de se baigner ; c’est à ce moment-là seulement qu’on a des chances de s’en emparer : alors la fortune de l’audacieux est faite. Mais si la Vouivre surprend le voleur, sa vengeance est terrible.

    La Vouivre passe la plus grande partie de son temps sous terre. Son repaire peut être un trou qui s’ouvre à même le sol, une caverne au flanc d’une falaise, ou le souterrain d’un château en ruines. Mais elle fréquente aussi les milieux aquatiques : rivière tranquille miroitant sous les feuillages, étang paisible au milieu d’un bois, source courant sous la mousse ou s’étalant dans un bassin de pierre, parfois même fontaine en plein cœur d’un village. C’est là qu’elle va boire ou se baigner. La vouivre apprécie les lieux peu habités comme les marais, les grottes.

     La Vouivre n’est pas un animal vagabond. Elle a ses habitudes. Ses déplacements se limitent le plus souvent à se rendre de son repaire au lieu propice à ses ébats aquatiques. Parfois, elle vole d’un donjon ruiné à un autre, ou tournoie au-dessus d’un clocher, ou se laisse aller un temps au fil de l’eau. Ses sorties sont régulières. C’est tous les soirs qu’elle surgit, à heure fixe, pour aller se désaltérer. Exceptionnellement, le cycle peut être plus long. Ainsi, à Avoudrey, c’est chaque année, à Noël seulement, qu’on a des chances de l’apercevoir ; à Mouthier, c’est plus précisément encore, ce soir-là, au onzième coup de minuit.

    Tant qu’on ne la provoque pas, la Vouivre n’est pas un animal dangereux. Obéissant, comme une belle mécanique, aux impulsions de sa nature, elle reste indifférente au monde des humains. Mais si l’on tente de s’emparer de son escarboucle, la bête devient soudain furieuse, fond sur l’imprudent et s’acharne sur lui avec une telle férocité qu’il est bientôt mis en pièces.

    Si, dans la plupart des traditions la Vouivre reste conforme au modèle que nous venons de décrire, il n’en est pas de même des récits qu’elles rapportent, et qui diffèrent sur les moyens utilisés pour s’emparer de l’escarboucle ou la façon dont la Vouivre s’est vengée : c’est la Marguerite, de Mouthier, qui crut tenir l’escarboucle mais ne serrait dans son tablier qu’un “tro d’chou” ; c’est le jeune Dole qui ne dut la vie sauve qu’à sa fuite précipitée et à une prière à Notre Dame; c’est le paysan de Vannoz devenu “bossu des reins” depuis que la Vouivre l’avait écrasé sous le cuvier où il s’était dissimulé; c’est le vigneron de Mouthier qui, plus malin, avait hérissé son cuvier de pointes de fer contre lesquelles la Vouivre vint se déchirer; c’est aussi cet homme de Mouthe qui, étant parvenu à ravir l’escarboucle, n’eut plus dans les mains que du crottin de cheval ou des feuilles sèches, et en mourut de désespoir; c’est enfin le pauvre Nicolas, qu’on retrouva au matin réduit en cendres.
    Chaque commune de la région à sa propre vouivre et ses propres histoires, simple couleuvre ou bête monstrueuse, quelquefois mi femme mi serpente.

    Un bon expert du village de Bans apportait son propre témoignage à Charles Beauquier, vers la fin du XIXe siècle. "Je ne vous raconterai pas, avec les bonnes femmes, qu'on a vu la vouivre se baigner dans la rivière de la Cuisance, mais pour l'avoir aperçue dans les airs, c'est un fait positif. Une nuit, mes yeux furent frappés d'une grande lumière, je les levai vers le ciel et je distinguai clairement le serpent de flamme. Vous l'eussiez pris volontiers pour une étoile filante, un météore".

    Certaines traditions sont beaucoup moins pures, et la Vouivre s’y présente sous des formes diverses. C’est qu’elles ont été contaminées par d’autres croyances comme les dragons.
    Ainsi, la Vouivre d’Avoudrey, qui porte en plus de l’escarboucle une couronne de perles et de diamants, ressemble à nombre de “serpentes volantes” d’autres régions de France ; elle paraît aussi avoir subi l’influence iconographique de la “guivre” qui, sur les blasons, se trouve souvent représentée avec une couronne sur la tête.
    La vouivre de Valempoulières, qui passait pour garder un trésor fabuleux, reprend tout simplement le motif mythologique bien connu du dragon gardien de trésor.
    La vouivre de Cubry, quant à elle, n’est plus que l’avatar d’un autre dragon, celui que terrasse Saint Georges dans l’iconographie chrétienne.
    Il est d’autres traditions encore où la Vouivre n’est plus seulement une bête monstrueuse, mais où elle s’humanise, soit en se présentant comme une créature mi-femme, mi-serpent, soit en ayant été femme dans une existence antérieure.
    Ainsi, la Vouivre de Vadans n’est, dans certaines versions, qu’une copie de Mélusine ; dans d’autres, c’était une princesse punie de son égoïsme.
    De même, la Vouivre de Vaugrenans, qui aurait été la propre mère de Saint Georges, était devenue dragon à cause de sa méchanceté.
    Quant à la Vouivre de Cicon, elle dut sa transformation à l’immense chagrin qui l’accabla à la mort de son fiancé, et qui la rendit folle et acariâtre.

    Bonaventure Abry, d'Arcier rapporte ceux de quelques vieillards : "Elle mesurait 12 à 15 pouces ; elle n'était point malfaisante et avait la gueule trop petite pour pouvoir mordre. Sa tête était pourvue d'oreilles; elle manquait de pattes, mais elle possédait des ailes semblables à celles de la chauve-souris. Elle se nourrissait d'insectes et de reptiles et n'avait jamais touché aux fruits des vergers ou des vignes. Elle sortait rarement et seulement pendant les nuits d'été très obscures. On l'apercevait alors très facilement, car l'extrémité de sa queue était lumineuse comme celle d'un vers luisant, et de son vol rapide elle laissait derrière elle comme une traînée de lumière. Les habitants ne la redoutaient pas; lorsqu'ils la voyaient, ils considéraient la chose comme un présage heureux, et celui qui était sur le point d'entreprendre une affaire de quelconque importance, attendait souvent qu'elle se montrât pour se mettre à l'œuvre. Il paraît que, vers 1720, un soldat lui ayant tiré un coup de fusil, elle disparut pour toujours".

    A côté de ces monstres, on trouve d'autres fausses vouivres que l'on va jusqu'à appeler fées, puis sirènes, femmes serpents, et même Mélusine comme à Vadans les Arbois. Cette Mélusine est à considérer tout à fait à part; cette princesse d'Albanie condamnée pour parricide à l'état de demi-femme et de demi-poisson, est à l'origine de la maison des Poitiers par son mariage avec le sire de Lusignan, ou avec Raimondin, fils du comte de Forez.

    Enfin, la Vouivre passe pour dévorer les petits enfants. Peut-être y a-t-il eu là l’influence du motif héraldique de la “Guivre” avalant un enfant. À moins tout simplement qu’il s’agisse d’une invention de grand-mère, bien commode pour calmer les petits polissons ou interdire aux enfants de s’approcher de la rivière ou d’une tour qui menace ruine.

     


    http://crdp.ac-besancon.fr/vouivre/intro.htm
    http://monjura.actifforum.com/t75-la-legende-de-la-vouivre
    http://jeanmichel.guyon.free.fr/monsite/histoire/metiers/vouivre.htm

     

     

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  • Commentaires

    1
    Samedi 14 Décembre 2013 à 18:34

    Pas très sympathique ! Bizz de Béa

    2
    Samedi 14 Décembre 2013 à 18:54

    Encore une belle légende. Dans le Jura, où j'ai séjourné, il y a une Vouivre par village ...

    Je penche volontiers pour une invention de mère-grand, tentant de dissuader les diablotins d'enfants risque-tout à s'approcher d'un cours d'eau.

    Bonne soirée, Triskèle.

    Bises légères.

    3
    Samedi 14 Décembre 2013 à 19:10

    Et grosses bises à vous deux, merci de votre fidélité, passez une belle soirée.

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    4
    Mardi 18 Février 2014 à 21:54

    Merci,

    j'aime beaucoup votre synthèse du mythe de la vouivre, pour moi c'est aussi un esprit de la nature très lié à l'épuration des émotions pour l'humains

    belle et bonne journée

    5
    Mercredi 19 Février 2014 à 10:36

    Merci de votre commentaire, oui les esprits de la nature ont de multiples apparences, je regrette de ne pas pouvoir participer à vos stages, j'adorerais!
    Continuez vos merveilleuses expériences, bonne semaine.

    6
    Mercredi 19 Février 2014 à 11:29

    Vous faite un superbe travail de synthèse sur tous votre site, je viens juste de le découvrir par "Hasard" en cherchant une illustration de vouivre proche de ma perception.

    C'est un plaisir de lire les traditions lié aux esprits de la nature, même si celles ci ne sont pas forcement toujours en lien avec le comportement des esprits de la nature aujourd'hui.

    Je vous accueillerai avec plaisir, peut être existe t'il une solution vous pouvez me contacter via le site

    esprit de la nature ou http://www.geobiologie.me

    je suis en refonte du site, je fais faire une part annuaire des ressources utile, je pense que votre site en fera parti

    au plaisir d'échanger, 

     

    jean-pierre martinez

    7
    Mercredi 19 Février 2014 à 11:36

    Merci infiniment , je retournerai souvent sur votre site.

    Je vous mets dans mes favoris.

    8
    Mardi 6 Février 2018 à 10:33

    Bonjour

    j'ai peur de cette Vouivre, comme je n'aime pas trop les serpents

    cela ne m'incite pas a vouloir la croiser eh eh eh

      • Mardi 6 Février 2018 à 10:51

        Bonjour Philippe, cette Vouivre est tout de même bien plus attirante qu'un serpent ordinaire non? Alors ne te promène pas près des rivières du Jura et tu ne la trouveras pas.

        Passe une bonne journée, bises.

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